« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

« FIN DE MOIS, DÉBUT DU NOUS » 

Clémentine Autain

Aujourd’hui, j’ai pris le temps de la discussion à Sevran. Le pouls est pris : la colère domine et s’exprime dans des formes que je n’avais pas entendues jusqu’ici. Dans la bouche des unes, des uns et des autres, de retraités, fonctionnaires, employés ou encore chômeurs, la sentence est éminemment sévère. Les mots entendus à l’égard de Macron et du gouvernement m’ont parfois stupéfaite par leur tranchant, leur dimension sans appel. En même temps, hier encore, le Président expliquait sans fard que les Français n’avaient pas suffisamment le sens de l’effort… !

Une dame m’a dit : le Président prend les Français pour des poubelles. Mais ce n’est pas seulement le mépris du Président ou des ministres qui est pointé du doigt, c’est aussi, surtout, la vie chère et la difficulté toujours plus grande à finir le mois comme à se projeter dans un avenir meilleur, pour soi et pour ses enfants. La grande régression qui s’accélère sous l’ère Macron s’éprouve concrètement au quotidien. Le pouvoir en place qui répond par l’arrogance et la répression à la vague des gilets jaunes ne fait qu’accroître le sentiment de révolte qui parcourt le pays, bien au-delà des gilets jaunes en lutte.

Ce qui était clair également, c’est que la présentation médiatique dominante qui transforme le mouvement des gilets jaunes en simple manifestation de casseurs ne passe pas. Un homme m’a dit : et pourquoi ils ne parlent pas de ce jeune qui a perdu un œil dans les violences policières ? J’en ai d’ailleurs fait l’expérience amère hier en participant à une émission de télévision, qui passera ce soir et demain sur France 5, où je faisais notamment face à Jean-Michel Apathie. Impossible ou en tout cas très difficile de sortir des clous d’un débat orienté à la faveur du gouvernement qui a intérêt à tout focaliser sur les violences. Pour commenter cette semaine d’actualité, il était attendu mes réponses sur la violence côté manifestants, la cagnotte pour le boxeur ou encore des propos complotistes tenus sur Konbini. De l’appel à tirer de Luc Ferry ou des provocations de Castaner, il n’était pas question. Des conditions de la désescalades, il fut bien difficile de parler. Comme si la sortie de crise, forcément politique, n’était pas l’enjeu majeur dont tous les plateaux télévisés devraient parler du matin au soir.

Si la défiance s’exprime version XXL, quel changement des institutions ? Si la dureté de la vie se dénonce à grands cris, comment améliorer les conditions de vie du grand nombre ? Si la taxe sur la carburant est injuste, quelle réponse au défi climatique ? À ces questions, comme à d’autres, nous avons une cohérence de réponses. Et, contrairement à la petite musique ambiante qui cherche à tout brouiller pour mieux perpétuer le pouvoir en place, cette cohérence de projet est aux antipodes de l’extrême droite.

Oui, la force de la contestation est une condition pour une rupture avec les politiques qui échouent depuis des décennies et font toujours plus de dégâts. Reste à créer les conditions d’une issue progressiste. Gambergeons, agissons, avançons !

Menu