« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Vivement demain.

Clémentine Autain

Le choix de la macronie est décidément fait : l’affrontement, la brutalité, la pression en guise de gouvernement. Les syndicats sont unanimes contre le projet sur les retraites, la majorité des Français et 93% des actifs s’y opposent, les défections de députés de droite à voter ce texte se révèlent chaque jour plus nombreuses dans les rangs de LR mais aussi de Renaissance…  Et pourtant, le pouvoir en place affiche sa fermeté, sa fermeture. En claironnant que le report de l’âge légal à 64 ans n’était « plus négociable » – comme s’il l’avait déjà été ! -, la première ministre Élisabeth Borne cherche à affirmer son autorité et à décourager la mobilisation. Il y a du Thatcher dans Macron et Borne. 

Passer sur le corps du grand nombre, comme un bulldozer, insensible, résolument sûr de son fait au mépris du fait majoritaire, est une méthode tristement éprouvée par les néolibéraux. Eux qui préfèrent parier sur la désespérance. Car dans un contexte d’inflation et de salaires à la peine, la difficulté à prendre un jour de grève est décuplée : alors pourquoi ne pas décourager plus encore en annonçant d’emblée que le pouvoir, inflexible, ne tiendra aucun compte du nombre de manifestants ? Le cynisme devient une arme pour tenter de contenir un peuple rebelle, lui qui souffre de quarante années de choix politiques les tirant vers le bas. De démocratie il n’est plus question. D’ailleurs Madame 49.3 se mue en Madame 47-1 au besoin, du nom de cet article de la Constitution qui permet de passer en force au Parlement au bout de 50 jours de débat, sans vote, avec une simple ordonnance. Fermer le ban ?

À la veille de la deuxième grande journée de mobilisation à l’appel de l’intersyndicale, rien n’est joué ! La colère ne cesse monter, les annonces de jours grèves se multiplient dans de nombreux secteurs du pays, la jeunesse entre dans la danse. Un Français sur 2 souhaite une explosion sociale de même type que les Gilets Jaunes dans les mois qui viennent (sondage Ifop). En face, l’effort de pédagogie des ministres autorisés à s’exprimer dans les médias ces derniers jours ne fait que renforcer la contestation. Plus ils sortent les rames pour nous vendre leur contre-réforme, plus le rejet s’affirme dans les enquêtes d’opinion. Un fiasco. Et ce d’autant qu’ils peinent à argumenter, à l’instar de Franck Riester contraint de concéder, dans une vidéo mémorable (video), que le report de l’âge sera défavorable aux femmes, ou de cette députée macroniste, la suppléante du ministre Gabriel Attal, qui explique sans fard en commission que les AESH ne doivent pas être victimisées, qu’elles prennent cet emploi pour avoir leur mercredi et les vacances (video).

Les Français ont compris : ce projet n’a rien d’inéluctable, l’argument financier ne tient pas la mer, les plus modestes et les femmes paieront le prix fort. Le gouvernement a donné un « pognon de dingue » aux grandes entreprises sans contreparties comme aux plus riches et cherche maintenant un moyen de combler les caisses ainsi vidées en demandant des « efforts » à ceux qui triment le plus et en imposant une grande régression à la société tout entière. L’injustice est bien comprise. L’enjeu est celui du partage de la valeur ajoutée et du temps de travail. Pourquoi faudrait-il que ce soit toujours les mêmes qui trinquent ? Et que le productivisme soit aux commandes ? Viser l’égalité et répondre à l’impératif écologique suppose de prendre le chemin inverse de celui imposé si brutalement par le gouvernement. Et le plus vite sera le mieux.

C’est pourquoi je me réjouis de la victoire de René Pilato, candidat insoumis/Nupes victorieux en Charentes d’une législative partielle dimanche – en même temps que la perte d’un député pour le RN ! Joli présage que cette note d’ambiance. Maintenant, mettons-nous toutes et tous sur notre 31 ! Demain se joue une partie essentielle dans le bras de fer avec le gouvernement. Ce sont non seulement deux années de retraite supplémentaire qui sont en jeu, mais aussi le renversement du rapport de force plus général. Si nous gagnons, nous ouvrons l’espoir. Nous le pouvons. Maintes fois nous l’avons emporté par l’ampleur du mouvement sur les retraites face à des gouvernements droits dans leurs bottes. Je m’en souviens bien en novembre-décembre 1995. N’oublions pas non plus qu’en 2003, contre le CPE, nous avons gagné alors que la loi avait été votée ! 

Vivement demain.

Clémentine Autain

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