« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

A Sevran s’exprime la solidarité alimentaire

Clémentine Autain

Ce matin, j’ai accompagné Thierry dans le portage des repas du CCAS à Sevran – et je l’en remercie chaleureusement. Équipés de masques et de gants, nous avons fait trois heures de tournée. Une occasion de saluer des Sevranais que je connaissais, d’autres que j’ai rencontré.

Une occasion aussi de prendre la mesure des besoins qui explosent en matière de solidarité alimentaire dans une ville populaire comme la nôtre. Thierry apporte normalement une trentaine de repas. Ce matin, nous en avons distribué cinquante ! Autant vous dire que la cadence s’est accélérée au point de ne plus pouvoir partager une petite conversation, si précieuse par temps de confinement pour des personnes isolées. C’est ainsi qu’une femme âgée a perdu sa fille il y a deux jours et s’en est livrée à nous : peut-être était-ce la première fois qu’elle le formulait en face de personnes physiquement là. Terriblement émouvant.

Nous avons terminé par la livraison des Glycines, maison de retraite qui avait connu un cas de Covid19 au début du confinement. Le lieu a réussi à se préserver, la catastrophe des contaminations en chaîne n’est pas arrivée. J’ai salué le personnel, trois femmes, pour leur travail si précieux.

Demain, Thierry se lèvera à 5h et fera la même tournée. Peut-être avec des repas en plus même si pour l’heure, aucune prime n’est envisagée pour ce surcroit de travail. Son professionnalisme m’a impressionné. Il connaît sa route, ne se trompe pas de panier en fonction de chaque spécificité. Adaptés aux régimes alimentaires (sans sucres pour les diabétiques, sans sel pour les hypertendus, moulinés pour ceux qui ne peuvent pas mâcher…), ces repas sont de droit. Il faut passer commande auprès du CCCAS. Leur prix est proportionné aux revenus. Pour trois euros, les plus démunis peuvent être livrés d’un repas complet. Je pense à tous ceux qui ne connaissent pas ce droit ou qui n’ont pas la force de demander de l’aide, et qui en aurait besoin. Je pense aussi au gouvernement qui m’a répondu, mardi à l’Assemblée nationale, de façon si désincarnée et indigente sur le fond alors que je l’interpellais sur ses mesures pour répondre à la détresse des personnes de plus en plus nombreuses qui ont faim.

J’y reviendrai, remplie des regards, des mots, des réalités des personnes avec qui j’ai passé la matinée.

Clémentine Autain

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