« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Depuis quand la responsabilité de scolariser les enfants est-elle laissée au libre arbitre des parents ?

Clémentine Autain

Dans un ensemble très cafouilleux, comme à son habitude maintenant, le gouvernement a annoncé le retour à l’école le 11 mai. Ce sera progressif, nous dit-on, mais on ne connaît pas encore les modalités de cette reprise petit à petit. Les parents sont légitimement inquiets des conditions sanitaires d’un retour de leurs enfants dans les classes. De l’incapacité de l’État à organiser la production de matériel aux injonctions contradictoires au sein de l’exécutif, la défiance à l’égard du pouvoir s’est installée dans le pays. Or c’est à la puissance publique de donner un maximum de garanties. En l’occurrence, le conseil scientifique vient de rendre public son avis : il préconise une rentrée en septembre. Raison supplémentaire d’affoler les parents… Une large majorité d’entre eux indiquent dans les enquêtes d’opinion qu’ils ne mettront pas leurs enfants à l’école le 11 mai.

J’alerte ici sur les dangers du principe annoncé par le gouvernement pour cette reprise de l’école : la base du volontariat. Depuis quand la responsabilité de scolariser un enfant est-elle laissée au libre arbitre des parents ? Est-ce à chaque foyer d’évaluer le danger sanitaire ? Le ministre Blanquer avance le fait que ce n’est pas l’école qui est obligatoire mais l’instruction. La fameuse « continuité pédagogique » serait donc assurée par le biais du numérique. Vaste blague… Le gouvernement affiche son mépris vis-à-vis du décrochage massif engendré par la déscolarisation physique. Sans cours collectifs dans un établissement, le creusement des inégalités sociales ne peut que s’aggraver.

Au fond, la macronie renvoie inlassablement à la responsabilité des individus. D’ailleurs, a prévenu Emmanuel Macron dans l’une de ses dernières allocutions, si les conditions du déconfinement ne sont pas réunies le 11 mai, ce sera de la responsabilité de celles et ceux qui n’auront pas respecté les gestes barrières. Manière grossière de se défausser… À l’école, même façon de voir : organiser le retour sur la base du volontariat, c’est faire faire porter la responsabilité sur les familles. C’est un coup de canif porté au service public de l’éducation et au principe de l’instruction obligatoire.

La décision devrait relever de l’État, en s’appuyant sur une large concertation des scientifiques, des représentants des parents d’élèves et des personnels éducatifs. C’est l’État qui doit être garant des conditions sanitaires et de l’organisation du parcours éducatif. C’est l’État qui, ayant décidé la reprise, aurait dû mettre en oeuvre le retour à l’école prioritairement selon des critères transparents et déterminés par l’intérêt commun.

L’école, les enseignants et tous les personnels éducatifs, les élèves et les familles sont livrés à eux-mêmes. Le gouvernement apparaît étranger aux principes fondateurs de notre République. C’est dramatiquement consternant.

Clémentine Autain

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