L’histoire retiendra qu’une chaine de télévision française a offert son antenne à un criminel, Benyamin Netanyahou, pour défendre l’indéfendable. LCI semble fier de son coup médiatique, un entretien avec le premier ministre israélien, alors même que le procureur général de la Cour pénale internationale a demandé l’émission d’un mandat d’arrêt contre lui pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Quitte à donner la nausée à toutes celles et ceux qui ont conscience de la réalité à Gaza.
« Je ne veux pas tuer des Palestiniens, je veux tuer des terroristes », est-il venu prétendre, comme si nous n’avions pas vu les images des civils, des enfants, des innocents abattus aveuglément à Rafah et ailleurs. Grand seigneur, le premier ministre israélien a déclaré offrir des médicaments et de la nourriture plus qu’il n’en faut : « 3.200 calories par personne, c’est 1.000 de plus que ce qui est requis au quotidien ». Comme si nous étions sourds aux alertes inlassables des ONG sur un peuple palestinien affamé depuis des mois et des hôpitaux bombardés.
Ce qu’est venu faire B. Netanyahou sur LCI, c’est surtout un prêche de guerre civilisationnelle visant à légitimer ses crimes. Car toute sa rhétorique tend à amalgamer Palestiniens et terroristes, à gommer l’histoire de la colonisation israélienne et à empêcher la reconnaissance de l’État de Palestine. « Si vous leur donnez maintenant un État ce sera la meilleure récompense possible au terrorisme. », a-t-il asséné. « Notre victoire, c’est la victoire d’Israël contre l’antisémitisme, c’est la victoire de la civilisation Judéo-Chrétienne contre la barbarie, c’est la victoire de la France », a-il poursuivi. Et clou du sinistre spectacle : « Rafah, c’est l’équivalent du débarquement de Normandie avant l’attaque contre l’Allemagne ».
Arrêter les massacres
Aussi horrible fut-elle, l’attaque du 7 octobre ne peut absoudre la violence meurtrière de Netanyahou. La libération des otages, revendication que je fais mienne, ne saurait servir de prétexte au massacre des Palestiniens. Notre regard sur le Hamas et sur le développement d’un islamisme politique hautement réactionnaire dans cette région doit être lucide. Le Hamas s’est greffé sur la colère d’un peuple opprimé, aux droits et à la dignité niés, pour porter un projet d’encadrement religieux et se doter d’une branche armée qui commet des actes terroristes. Mais l’effroyable tuerie des Israéliens du 7 octobre ne peut en aucune manière donner raison au massacre de tout un peuple. Un peuple qui souffre depuis trop longtemps de la colonisation, du blocus, des humiliations. Un peuple qui subit la complicité internationale à l’égard du gouvernement israélien et l’incapacité à faire respecter le droit.
Aujourd’hui, c’est toute la violence de l’extrême-droite israélienne qui se révèle au grand jour. Et elle est assumée par l’état-major militaire et les responsables politiques au pouvoir. Car la frappe de dimanche, comme la fusillade au Checkpoint de Rafah lundi, la poursuite des bombardements heure par heure, sans interruption, ne sont pas une étape particulière d’une guerre conventionnelle. Elles sont l’illustration de la folie meurtrière contre le peuple palestinien qui anime Benjamin Netanyahou et ses affidés. Elles sont aussi le signe d’un profond mépris pour le droit international, et à travers celui-ci, de tout mécanisme de coopération supranationale.
Le droit international comme bouclier
Bombardements délibérés de populations civiles, famine organisée du fait du blocus total de la bande de Gaza, destruction méthodique de toute infrastructure… En décembre dernier, l’Afrique du Sud a engagé une procédure contre Israël pour non-respect de la « Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide », considéré depuis la Shoah fort légitimement comme l’acte criminel suprême, annihilant toute humanité. L’ONU a mis en garde contre le risque génocidaire à l’encontre des Palestiniens. Nous touchons là à des « normes impératives » du droit international, c’est-à-dire s’imposant à l’ensemble des États, peu importe qu’ils aient signé les conventions en vigueur ou non. Voilà ce que l’humanité peut produire de meilleur : un engagement à vocation universelle, celui de ne plus jamais laisser de population, après les Arméniens, les juifs d’Europe et les Tutsis, se faire massacrer dans le silence et la nuit.
Mais l’Occident a été incapable, au lendemain du 7 octobre, de tenir la seule position juste : libération des otages enlevés par le Hamas ET cessez-le-feu immédiat, se réfugiant dans un « soutien inconditionnel » aveugle et qui a contribué à nous couper encore davantage de la société internationale.
La procédure engagée par l’Afrique du Sud en est au stade des « exceptions préliminaires », c’est-à-dire qu’il n’a pas encore été statué sur le fond de savoir si l’État d’Israël est en train de commettre « un génocide ». Cependant, la Cour de justice internationale a estimé que le risque était d’ores et déjà tellement élevé qu’il fallait prendre d’importantes mesures pour garantir qu’il n’y ait pas de génocide. Malheureusement, rien n’y a fait, la suite est connue : l’armée israélienne a persisté dans la barbarie, à tel point que la Cour Internationale de Justice demande désormais un arrêt immédiat de l’offensive. À son tour, le procureur de la Cour Pénale Internationale a fait part du caractère inadmissible de la situation en demandant que soient émis des mandats d’arrêts à l’encontre des dirigeants du Hamas et de Netanyahou.
Le droit international, qui se fonde sur la coopération entre États souverains plutôt que sur une logique de coercition, est bafoué par les autorités israéliennes. Face à cette situation, c’est de courage politique dont nous avons besoin.
La France à rebours de l’histoire
Avant-hier, l’Espagne, la Norvège et l’Irlande ont reconnu de manière coordonnée l’existence de l’Etat de Palestine, reconnu désormais par près de 150 États. Manquent à l’appel les principales nations occidentales.
Longtemps la France été considérée comme ayant un leadership sur la question, et plusieurs pays européens attendaient une initiative forte de notre part pour enfourcher le pas. Voilà une nouvelle conséquence de l’incurie diplomatique d’Emmanuel Macron qui démonétise chaque jour un peu plus notre crédibilité sur la scène internationale.
Au lieu de reconnaître l’État de Palestine et de cesser de vendre des armes à Israël, la macronie choisit la sanction maximale – 15 jours d’exclusion – contre mon collègue Sébastien Delogu, qui a osé brandir le drapeau palestinien au sein de l’Assemblée pour briser la novlangue gouvernementale. Mais quelle honte ! En Italie, pays gouverné par l’extrême-droite, une trentaine de député.es progressiste faisaient le même geste sans en être inquiétés. Décidément, le débat politique et démocratique en France est dans un état déplorable.
À rebours du sens de l’histoire, Macron tente comme d’habitude de se rattraper aux branches, et il le fait mal comme d’habitude. Sa dernière trouvaille : demander à l’autorité palestinienne des « réformes » avant de bien vouloir considérer sa reconnaissance officielle. Comme s’il était en position d’exiger quoi que ce soit à l’égard d’un peuple qui joue sa survie. Après sa gestion désastreuse de la crise en Nouvelle-Calédonie, il endosse à nouveau le costume néocolonial du dirigeant occidental faible avec les forts et forts avec les faibles. Alors que le monde vit une période de désoccidentalisation, que les pays du Sud ne veulent plus du système dont nous avons tant abusé, il démontre s’il en était besoin qu’il ne comprend rien au moment.
Il est temps, plus que temps de rompre avec la position erronée qui a cours en France depuis Sarkozy et de renouer avec une politique ayant pour boussole le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. L’urgence, c’est d’affirmer avec force que le droit international prévaut et que la France doit exécuter les mandats d’arrêts de la CPI s’ils sont promulgués, reconnaitre immédiatement l’Etat de Palestine, et s’engager sans relâche pour la paix au Proche-Orient qui implique la justice. C’est la seule voie qui peut garantir la sécurité et la dignité des peuple palestiniens et israéliens.
Clémentine Autain