« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Les croquemorts du budget doivent rendre des comptes !

Clémentine Autain

Ils se prétendaient Mozart de la finance. Ils se retrouvent fossoyeurs des comptes publics.

La macronie a fait exploser la dette de la France qui bat tous les records. Pour quel résultat ? L’aide aux grands groupes économiques et aux hyper-riches qui se sont considérablement enrichis pendant que les services publics et les collectivités ont vu leurs ressources financières comprimées jusqu’à l’os et que les protections sociales ont été restreintes. Car il faut bien comprendre que c’est la baisse des recettes, et donc de la contribution des plus fortunés, qui conduit à un tel résultat.

Ce dérapage du budget de l’État s’est fait sans transparence, en mentant aux Français.es et à la représentation nationale.

L’Assemblée nationale, qui a le pouvoir de contrôler l’action du gouvernement, doit faire toute la lumière sur les raisons sur les responsabilités au sommet de l’État. C’est le sens de la demande du président de la commission des finances, mon collègue insoumis Éric Coquerel, qui veut transformer cette dernière en commission d’enquête. Cette procédure est engagée. Elle doit aller à son terme.

Comment en est-on arrivé à un tel chaos budgétaire ? Pourquoi cette trajectoire catastrophique pour le pays n’a-t-elle pas été stoppée ? Quelle chaîne de responsabilités nous a conduit à plus de 6% de déficit pour 2024 ? C’est à ces questions qu’une commission d’enquête doit répondre.

Un mensonge orchestré

Refaisons le film.

Début décembre 2023, l’administration de Bercy émet une alerte informant le gouvernement d’une possibilité sérieuse que le déficit public se dégrade à 5,2% en 2023, contre l’objectif initial de 4,9%. Ce signal n’était pas le premier. Une note de début juillet 2023 prévenait déjà les ministres de cette trajectoire. Pourtant, ce dérapage n’est pas rendu public et les mesures pour y faire face ne sont pas discutées lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2024. Surtout, lors de ses vœux en début d’année 2024, Bruno Le Maire annonce que « le tournant du redressement de nos finances publiques a été pris, il sera tenu fermement ».

En février 2024, face à l’ampleur des dégâts qu’il a lui-même créés, Bruno Le Maire n’a plus le choix : il dit pour la première fois publiquement que le déficit pour 2023 sera plus élevé qu’annoncé. Il présente alors un plan d’urgence de 10 milliards d’euros d’économies. À l’ordre du jour, encore des coupes dans les dépenses, la macronie n’ayant jamais pas compris qu’il y a dans le budget de l’État aussi une colonne recettes.

Or, en mars, lorsque l’Insee communique sur un déficit public de 5,5% du PIB pour 2023, l’institut précise que ce dérapage est lié à un ralentissement net des recettes fiscales, à la diminution du taux de prélèvements obligatoires. Pourtant, à aucun moment l’hypothèse de revenir sur les faveurs octroyées aux plus fortunés et aux entreprises réalisant des super-profits n’est sur la table ! Une fois encore, le dogme de la baisse des dépenses publiques l’emporte.

En mai, Bruno Le Maire est interrogé au Sénat. S’il affirme « à aucun moment, rien n’a été caché », il concède que les prévisions budgétaires de Bercy, qui n’étaient que des « présomptions », n’ont pas été diffusées pour ne pas « semer le doute inutilement ».

En juillet 2024, la direction générale du Trésor tire la sonnette d’alarme. Elle fait état d’un déficit public qui devrait se creuser nettement, à 5,6% du PIB en 2024 (contre 5,1% prévus) et jusqu’à 6,2% du PIB en 2025, si aucune mesure n’est prise pour contrecarrer cette situation pour le budget 2025.

Cerise sur le gâteau : alors que Bruno Le Maire fait ses valises vers la Suisse et sa nouvelle carrière après la démission du gouvernement et que le travail d’investigation médiatique sur ce dérapage budgétaire suit son cours, l’ancien ministre de l’économie et des finances est questionné par les journalistes au sujet du déficit. « La vérité apparaîtra plus tard » répond-il par SMS, en refusant toute déclaration. Qu’il y a-t-il à cacher ? Faut-il comprendre que les budgets présentés étaient donc insincères ?

La stratégie du choc

Ce dérapage budgétaire, qui paraît sciemment orchestré, est aujourd’hui l’occasion de frapper fort dans les dépenses publiques, conformément à la « stratégie du choc » si bien décrite par Naomi Klein. Ce sont 40 milliards d’euros que le gouvernement Barnier veut amputer. Il n’est toujours pas question de mettre à contribution de façon juste, sérieuse et durable les plus fortunés. Il s’agit de détériorer toujours davantage les services publics, de diminuer les protections sociales, à commencer par la santé, de faire payer les retraités et les chômeurs… Au nom de la résorption de la dette, les mesures annoncées représentent une saignée qui va s’abattre sur les pus fragiles et le bien commun.

Alors que le budget 2025, qui consacre des coupes budgétaires inédites et intolérables, est en passe d’être voté, la représentation nationale et les Français ont le droit de savoir. C’est-à-dire de connaître l’histoire et les responsables de ce chaos budgétaire. Oui, « la vérité apparaîtra plus tard » comme le disait Bruno Le Maire. Mais avec la création de cette commission d’enquête, qui devrait vite voir le jour, elle sera révélée bien plus tôt que ne l’avait imaginé l’ancien ministre de l’économie et des finances. Et cela promet d’être édifiant.

Clémentine Autain

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