Le débat public devient aussi fou qu’Emmanuel Macron. Alors que le gouvernement Barnier vient de tomber, la charge du chaos est inversée sur toutes les chaines, sur tous les tons. Comme si la faute n’était pas celle du Président. L’immoralité d’une grande partie des classes dominantes, prêtes à tout pour sauver les intérêts du capital, est à son comble.
Le chaos, c’est Macron
La responsabilité de la situation, elle revient au Président de la République. En sept ans, Macron n’a cessé d’abimer le quotidien des Français.es qu’il méprise. Il a plongé les comptes publics dans le rouge vif pour satisfaire une poignée d’hyper-riches et de grands groupes. Il a brutalisé la démocratie. Il a imposé une dissolution puis nommé un Premier ministre au profil contraire au vote des Français.es. Puis, avec Michel Barnier, Macron a quémandé de bout en bout le soutien de Marine Le Pen et de son groupe de députés, au mépris de la raison même de sa propre élection. Par deux fois.
Depuis, les mensonges sont proférés sans complexe, suscitant de la peur dans la population. Hier, une femme m’a interpellée dans le métro. Elle m’a demandé si elle devait retirer en liquide l’argent qu’elle a difficilement épargné avec son mari, comme si la menace qu’on le lui prenne était sérieuse.
Si la situation nous plonge pour une part dans l’inconnu, qu’elle angoisse parce qu’elle est instable, les mécanismes institutionnels créent des sécurités : non, les cartes vitales ne vont pas être désactivées et oui, les salaires des fonctionnaires seront bien versés. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, cela signifierait que le Parlement n’est officiellement qu’une chambre d’enregistrement. Car si un budget doit forcément être adopté, sinon c’est le chaos absolu, à quoi bon le soumettre au vote de l’Assemblée ? Il suffirait alors de ne demander la ratification que des éditorialistes…. Mais nous sommes encore en démocratie, fut-elle chaque jour plus bancale.
Nous voulons gouverner
Ce gouvernement était illégitime. Ses soutiens ont empêché le vote de l’abrogation de la réforme des retraites puis la représentation nationale a été piétinée avec un 49.3 sur le budget. Nous l’avons censuré. Très concrètement, cela signifie ne pas accepter les déremboursements de médicaments, les 5 milliards d’euros en moins pour les collectivités locales ou encore les 186.000 emplois qui seraient, de fait, supprimés dans l’économie sociale et solidaire. Nous ne sommes pas des paillassons. Nous ne pouvons être les complices serviles de l’obsession du Président des riches : empêcher toute remise en cause de sa politique au service de l’oligarchie.
Ce que nous voulons, c’est que le résultat des élections de juillet dernier soit respecté. Appelons Emmanuel Macron à la raison : le NFP est la coalition arrivée en tête en juillet dernier. Nous n’avons pas la majorité absolue mais personne ne l’a dans cette nouvelle Assemblée. Nous avons en revanche la légitimité des urnes pour conduire le pays, en cherchant texte par texte des majorités. Dire que nous appliquerons tout notre programme si nous sommes appelés à gouverner est évidemment un mensonge. Cet état de fait ne peut pas changer avant une nouvelle dissolution. Alors nous pouvons faire le choix, comme le RN, de refuser de gouverner. Mais je pense qu’au regard de la gravité du moment et du résultat des élections de juillet, nous devons prendre nos responsabilités. D’où la seule question qui vaille à mon sens, au moment où les commentaires se focalisent sur le qui : pour faire quoi et avec quelle méthode ?
Le groupe Écologiste et Social, dans lequel je siège après la rupture avec LFI suite aux purges, présente une spécificité qui est une richesse dans le moment que nous traversons avec le NFP : sa diversité. Mon collègue Charles Fournier et moi-même, en lien avec la présidente Cyrielle Chatelain et l’ensemble des député.es, nous avons travaillé une feuille de route gouvernementale. 11 propositions sont mises en avant. Elles représentent autant des lignes rouges que de raisons de gouverner, à commencer par l’abrogation de la réforme des retraites, la Conférence pour l’augmentation des salaires, la fin des licenciements boursiers assorti d’un Grenelle de l’Industrie, une grande loi pour le climat ou une autre pour en finir avec la concentration dans les médias. Mais l’une des plus importantes propositions à mes yeux, c’est le changement d’approche budgétaire : cesser de comprimer la dépense publique pour aller chercher de nouvelles recettes, en mettant à contribution les hyper-riches et les grands groupes, notamment pour investir dans les protections sociales, les services publics et la bifurcation écologiste.
Dans le contexte institutionnel actuel, si l’on gouverne, il faudra trouver des majorités. Cela ne signifie pas gouverner avec des responsables, des forces qui sont en désaccord avec le cap politique du NFP. Est-ce crédible et porteur de former un gouvernement avec ceux que nous combattions, et fermement, hier encore ? De faire exploser le NFP ? Nous ne pouvons pas bricoler des accords sur un coin de table sans cohérence idéologique et brouiller plus encore les repères politiques. Ce n’est ni notre mandat, ni crédible pour stabiliser un gouvernement. Il est en revanche indispensable de changer de méthode : en finir avec le 49.3. Et donc accepter de ne prendre comme lois, comme budget, que ce que la représentation nationale permet. Cela suppose de dialoguer pour convaincre et de respecter la logique parlementaire.
En finir avec l’hyper-présidentialisme
C’est Macron, et lui seul, qui décide de la nomination du Premier ministre. Ce pouvoir exorbitant donné à un seul homme sous cette poussiéreuse Ve République devrait conduire à tirer le seul enseignement qui vaille : en finir avec l’hyper-présidentialisme.
Aurions-nous donc une meilleure solution avec la démission de Macron ? Comme la majorité des Français.es, je souhaite son départ. J’ai d’ailleurs signé la demande de destitution proposée par la France Insoumise. Mais cela ne doit pas empêcher de penser dans ce moment de tempête. Et de s’interroger. Sur une présidentielle qui n’aurait que 35 jours de campagne. Sur le présupposé implicite : un homme providentiel pourrait régler la situation. Sur le problème qui demeurerait : si nous changeons de Président, l’Assemblée nationale demeurera en l’état pendant au moins six mois – et si nous contestons la brutalisation du Parlement, le problème reste presque entier. Il faudrait aussi, face à la menace bien réelle d’une victoire de l’extrême droite, que nous nous mettions, à gauche, en meilleur ordre de marche pour la gagner…
Dans la tragédie que nous subissons, une conviction ne bouge pas : sortir du chaos nécessite la mobilisation populaire. Au fond, le peuple est toujours la clé.
Clémentine Autain