« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

A la fin, c’est nous les femmes qu’on va gagner

Clémentine Autain

La création culturelle donne toujours le parfum d’époque, son ambiance et ses obsessions, ses cauchemars et ses espoirs. Comme je suis passionnée de littérature contemporaine, c’est souvent sur ma table de chevet que j’y puise de l’inspiration. Cette fois, c’est au cinéma que j’ai été frappée par un symptôme du moment, en correspondance avec la vague #MeToo et cette nouvelle vague féministe qui exige liberté, respect, égalité : l’irruption des femmes sur des terrains qui leur étaient jusqu’ici bien fermés. Les imaginaires s’ouvrent et voilà que le « deuxième sexe » refuse l’humiliation et la soumission, prend son fusil, veut sauver le monde, assume sa part de féminité tout en visant le pouvoir.

Commençons par le plus loufoque et jouissif : Rebelles. Réalisé par Allan Mauduit, le film met en scène trois ouvrières à Boulogne-sur-mer, interprétées par le trio décapant : Cécile de France, Yolande Moreau et Audrey Lamy. Une ex miss Pas-de-Calais retourne vivre dans la caravane de sa mère, fuyant la Côte d’Azur et son compagnon violent. Elle cherche du boulot, les temps sont durs. Elle démarre dans une usine de boite de sardines. Un soir, le responsable de l’entreprise tente de la violer. Elle se défend, il en meurt. Avec ses deux collègues qui assistent au drame et découvrent un énorme sac de billets de banque, elle décide de le mettre en boites. S’ensuit une aventure rocambolesque, drôle, délirante dans lequel les femmes ne lâchent jamais prises, osent tout et s’affirment face à des hommes qui ont les codes et les clés du pouvoir. C’est avec leur énergie, leur genre, leur insoumission qu’elles trouvent les ressorts pour, in fine, empocher la mise. On pense au film de Despentes, Baise-moi, qui avait dès les années 2000 apporté ce regard trash avec un parfum de vengeance sur les rapports hommes/femmes. On pense surtout que cette alliance cinématographique du moment a tout d’un mélange entre #balancetonporc et gilets jaunes.

Dans un tout autre registre, le bloc booster américain Captain Marvel décoiffe les traditionnels héros de notre enfance. Mon fils me traine inlassablement pour voir ces films d’aventure où on se poursuit, on a peur, on se tue, on est encore menacé, on est prêt à tout et on va gagner. Du rythme, du sang, de la stratégie, des méchants et des gentils, tout ce que ma fille n’a pas spécialement envie d’aller voir – la prégnance des identités de genre étant passée par là. Mais dans Captain Marvel, c’est une femme, Carol Danvers, qui va devenir l’une des super-héroïnes les plus puissantes de l’univers. Et elle y arrive sans se couper de ce qui caractérise culturellement le féminin : les émotions. Son maitre lui avait pourtant intimé l’ordre d’oublier ses souvenirs, de ne pas ressentir, condition sine qua non lui dit-il pour espérer devenir un super-héros comme les autres. Mais voilà : c’est parce qu’elle ne se soumet pas à cette injonction qu’elle va dépasser le maître. Et gagner. La critique de ce film en tête du box office a eu vite fait de nous souffler cette idée neuve : la super-héroïne est l’avenir du super-héros. Nous sortons du superman de mon enfance sauvant les filles qui le regardent passives et enamourées, et des belles au bois dormant qui ne se réveillent que quand le prince charmant les embrasse. Les temps changent. Réjouissant.

C.A.

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