« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Arrêtons d’appauvrir les agents publics !

Clémentine Autain

La fonction publique se mobilise, et elle a bien raison. Les syndicats d’agents (CGT, CFDT, FO, CGC, FA-FP, FSU, UNSA) appellent à la grève ce mardi 9 mars. Et le mot d’ordre est offensif sur les rémunérations et les conditions de travail. Bravo ! Merci ! Soutien ! Il est plus que temps d’entendre les revendications de celles et ceux qui font vivre nos services publics. Et de les encourager, les relayer, les soutenir massivement. Que chacune, chacun mesure la difficulté à perdre un jour de salaire quand le coût de la vie est si élevé et à se mettre en mouvement quand on fait face à un gouvernement qui passe son temps à écraser la tête de celles et ceux qui réclament leur juste part. C’est pourquoi je leur tire mon chapeau.

Nous avons été matraqués pendant des décennies par un discours anti-fonctionnaires. « Privilégiés », « feignants », « qui se la coulent douce »… Tout y est passé pour déprécier le travail des agents. Pendant ce temps, de grandes entreprises publiques ont été privatisées. Puis nos hôpitaux, nos écoles, nos transports, nos services sociaux… ont été malmenés par la réduction de la dépense publique. Le gel du point d’indice est venu appauvrir les agents. Et de nouvelles normes de « management » issues du privé ont imposé une approche comptable et des tableaux Excel au détriment de la qualité du service rendu aux usagers. 

Le ministre Bruno Le Maire passe son temps à demander gentiment aux patrons d’augmenter les salariés dans le privé, au lieu de prendre des mesures pour les y contraindre. Avec le gouvernement, il devrait commencer par balayer devant sa porte et donner l’exemple dans la fonction publique dont l’État a directement la charge. Et ce n’est pas en annonçant 10 milliards de baisse du budget que l’on va améliorer la situation dans les services publics. Les coupes vont concrètement détériorer la vie quotidienne des agents, qui ont toujours plus de travail vu les besoins croissants et toujours moins de moyens pour y répondre. Alors forcément, ça craque.

5,7 millions de fonctionnaires subissent depuis des années et des années une stagnation de leur salaire, et donc un appauvrissement. Les quelques maigres augmentations récentes ne compensent même pas la flambée des prix. Les salariés du privé comme du public devraient avoir droit à une hausse du SMIC et à une indexation des salaires sur l’inflation. Mais il faut savoir que, contrairement à une idée reçue, la rémunération réelle dans la fonction publique a baissé de 0,9% depuis 2009 quand, sur la même période, elle a augmenté de 13,1% dans le privé. Les agents de la fonction publique sont fondés à exiger une hausse de leur rémunération. Ils le sont tout autant à critiquer la logique des primes qui ne rentrent pas dans le calcul de la retraite et qui tourne le dos à l’esprit de la fonction publique. Ils le sont encore à demander l’arrêt des contrats de droit privé désormais signés à tour de bras.

Ce choix politique de maltraiter les agents des services publics se retourne contre la société toute entière. Quand les infirmières sont en burn out et les AESH au bout du rouleau, quand on n’arrive plus à recruter des profs ou des conducteurs de bus, quand 10% des agents de la fonction publique vivent avec moins de 1500 euros et que tant de hauts fonctionnaires rêvent de pantoufler, le problème n’est pas seulement celui des agents : c’est un enjeu politique majeur pour notre République. Car derrière les revendications portées par cette grève, c’est l’égalité et la cohésion sociale qui se jouent. 

Si les fonctionnaires ne peuvent plus vivre dignement de leur travail, si leur rémunération dit la baisse de considération sociale pour leurs missions, si leurs conditions de travail ne garantissent plus un service de qualité, le modèle social français se meure. 

J’appelle à un front commun entre les agents de la fonction publique, de plus en plus maltraités et épuisés, et les usagers du service public, chaque jour davantage en colère contre sa dégradation. Nous avons un intérêt commun : faisons-le savoir !

Clémentine Autain

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