« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Dans le JDD : « Macron fait son entrée en campagne avec le pire de lui-même »

Clémentine Autain

INTERVIEW – La députée de La France insoumise Clémentine Autain revient pour le JDD sur les propos tenus contre les non-vaccinés par Emmanuel Macron dans Le Parisien et sur le déroulé des débats à l’Assemblée nationale sur le passe vaccinal.

Que répondez-vous à Emmanuel Macron?
Que sa brutalité et son mépris sont irresponsables! Un Président qui joue les incendiaires en fracturant au lieu de protéger et rassembler n’est pas digne de la République. Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron humilie une partie de nos concitoyens. Là, il franchit des lignes rouges. Au lieu de fédérer, de pacifier le débat public, de dégager des mesures concrètes cohérentes et justes face aux crises, il insulte et bannit. En osant affirmer qu' »un irresponsable n’est plus un citoyen », considère-t-il que 5 millions de Français doivent être chassés de la République? Avec le gouvernement précédent, nous avions eu la déchéance de nationalité, nous voilà maintenant avec la déchéance de citoyenneté! C’est très inquiétant qu’un Président n’ait pas conscience de ce que recouvre ce terme. Etre citoyen, c’est jouir de droits avant même d’avoir des devoirs. Ce serait bien de ne pas l’oublier.

Son interview a été publiée en plein examen, déjà tendu, du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal…
C’est une provocation supplémentaire. Non content de s’en prendre aux non-vaccinés, Emmanuel Macron s’en prend aussi au débat parlementaire et aux oppositions. Hier soir (mardi soir, NDLR), nous avons attendu Jean Castex* comme on attend Godot! Et nous ne l’avons jamais vu. Le Premier ministre était attendu pour des explications après les propos d’Emmanuel Macron. Nous apprenions par les journalistes qu’il était au Palais Bourbon mais nous ne l’avons jamais vu. L’ambiance était électrique dans l’hémicycle. Les débats vont reprendre ce mercredi après-midi et ça va être très tendu. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Si certains députés d’opposition étaient hésitants à voter pour le passe vaccinal, je pense qu’Emmanuel Macron a contribué à les faire basculer contre. D’une certaine manière, le Président a tombé le masque. Son arrogance de classe est décomplexée. C’est l’assurance de cette oligarchie sûre d’elle-même qui pense qu’on peut traiter les démunis de gens « qui ne sont rien », d’illettrées des ouvrières ou dire aux chômeurs qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un emploi. C’est effrayant. On savait qu’Emmanuel Macron était un néolibéral en économie. Mais sa façon de présider a révélé au fur et à mesure son autoritarisme. Il fait son entrée en campagne avec le pire de lui-même. 

Quelle va être l’attitude des Insoumis lors de la reprise du débat parlementaire?
A l’Assemblée, nous combattons le passe vaccinal car nous estimons qu’il n’est pas efficace et qu’il est liberticide. Cette méthode n’est pas la bonne. Elle ne nous protège pas et elle met à mal des droits fondamentaux. Oui, le vaccin est essentiel pour lutter contre la pandémie, notamment pour éviter des formes graves. Nous savons néanmoins aujourd’hui qu’il n’est pas suffisant pour y faire face. Un ensemble de mesures doit être déployé. Je ne décolère pas contre ce gouvernement qui a supprimé 17.000 lits à l’hôpital, qui n’est pas capable de faire produire des masques FFP2 pour les distribuer gratuitement, notamment aux populations les plus vulnérables, ou qui rend payant les tests pour les non-vaccinés alors que cela devrait faire partie de la panoplie pour nous protéger. Comme au moment du traité constitutionnel européen de 2005 où l’on voulait nous faire croire que si l’on était contre, on était contre l’Europe, les macronistes expliquent que si l’on n’accepte pas leur passe vaccinal, on est pour la circulation du virus. Il n’est pas question de se laisser enfermer dans cet abaissement du débat politique.

A Nantes, le 16 janvier, Jean-Luc Mélenchon tiendra un meeting « immersif et olfactif pour se projeter dans le monde d’après ». Une manière de s’opposer au « monde du passé » d’Emmanuel Macron?
L’interview de Macron m’a beaucoup frappée de bout en bout. Vouloir « emmerder », c’est particulièrement choquant, mais il faut lire attentivement tout le reste. Par exemple, pour se projeter dans l’avenir, le Président propose de produire et exporter toujours plus. C’est son projet! Alors que la crise climatique se fait réalité, qu’on n’en peut plus du consumérisme, que le capitalisme est à bout de souffle, il propose d’aller plus avant dans la logique productiviste et plus avant dans la folie du grand déménagement du monde! Contrairement à l’image d’homme moderne qu’il veut donner, Macron me paraît à côté de son époque et de l’urgence à changer de modèle de développement. Il veut nous enferrer dans un système à bout de souffle, en train de mourir. A Nantes, avec une technologie innovante, un meeting immersif, Jean-Luc Mélenchon donnera à voir une vision du monde qui vise le progrès humain et non la course sans fin du profit. Partager les richesses pour combattre les inégalités, assurer la transition écologique, mettre en route une VIe République, passer de droits formels à des droits réels : notre projet, en totale opposition à celui de Macron, doit permettre de rallumer les soleils.

Menu