« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

En maraude avec la Croix-Rouge

Clémentine Autain

J’ai participé mercredi soir à une maraude en Seine-Saint-Denis, organisée par la Croix Rouge. Avec Jérôme, Solène et Sénam, tous bénévoles, nous sommes allés à la rencontre de personnes dormant dans la rue. Il est très difficile de raconter ce que l’on a vu, entendu, parce que c’est de le vivre qui donne la dimension de la souffrance, de la dureté, de l’indicible que vivent des personnes humaines aujourd’hui, dans un pays aussi riche que la France.

Nous le savons, nous en avons des chiffres, et ils donnent le vertige depuis la crise sanitaire. Mais alors qu’il fait nuit, rencontrer cet homme qui dort sur un carton dehors, sans couverture, souffrant à la jambe, inquiet de la vidéosurveillance, ne voulant pas donner son nom, ou discuter avec cette femme qui ne fermera pas l’œil de la nuit pour être sûre de ne pas être violée ou encore voir le sourire d’un jeune qui dort dans une petite caravane sur un parking qu’il aménage de jour en jour en attendant que son dossier d’aide au logement soit accepté, c’est toucher de façon sensible une tragédie de notre temps.

Dans le camion conduit par Jérôme, nous avions du café, de la soupe, des gâteaux, des nouilles, des couvertures de survie ou encore un kit pour se laver. C’est l’occasion de partager un moment, de tendre la main, de donner des informations pour pourvoir s’orienter, dormir au chaud, trouver un chemin en dehors de la rue. Une phrase me revient sans cesse depuis cette soirée, alors que nous incitions à appeler le 115 : « Non, ils ne peuvent rien pour moi. Ils n’en n’ont pas les moyens. Alors arrêtez de me faire rêver et de rêver vous-mêmes ».

Ce renvoi vers l’impuissance de la société actuelle m’a glacée. C’est vrai, le 115 est saturé, comme le sont les places en hébergement d’urgence. Pendant ce temps, toute la chaine des précarités pousse de nouveaux pans de la population à perdre pied jusqu’à se retrouver sans abri. Je salue toutes celles et ceux qui, comme Jérôme, Solène et Sénam, donnent de leur temps et de leur énergie pour panser les plaies. Et j’enrage que les demandes des associations humanitaires ne soit toujours suivies par le gouvernement, lui qui sait dépenser sans compter quand il s’agit des hyper-riches. Misère.

(J’ai justement évoqué cette maraude dans la matinale de France Info, pour mettre en relief le vide de l’action gouvernementale à ce sujet. L’extrait est à voir ici : https://youtu.be/izfhrEpsvOc?t=1348)

Clémentine Autain

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