« Il n’y a jamais trop de livres ! Il en faut, et encore, et toujours ! C’est par le livre, et non par l’épée, que l’humanité vaincra le mensonge et l’injustice, conquerra la paix finale de la fraternité entre les peuples. »
Émile Zola
Puisqu’il s’agit de savoir ce que l’on garde ouvert, je veux plaider ici pour les librairies. Oui, le livre est essentiel. Il permet d’accéder aux savoirs, de ressentir des émotions, d’élever notre pensée critique, de partager du sensible. Les librairies offrent un rapport charnel aux ouvrages, une possibilité de se perdre avant de choisir comme de suivre un conseil de libraire ou le hasard des yeux qui se posent sur un titre, qui s’aimantent sur une quatrième de couverture. Vous ne trouverez rien de tout cela sur Amazon ou Priceminister qui sont des porteurs sans âme et sans foi, ni loi.
Les librairies ne sont pas des commerces « dispensables », pour reprendre l’expression de l’écrivain Iegor Gran (1). Elles sont vitales pour des millions de personnes qui ont les moyens de s’acheter des livres et qui possèdent le capital culturel et l’espace mental pour pouvoir s’en nourrir. Mais en défendant les librairies, nous réclamons bien plus que le seul droit au plaisir et à la nourriture intellectuelle pour celles et ceux qui ont accès au livre. Nous réclamons du sens, du sensible, du savoir, loin de la vacuité de la société de consommation. Valoriser la culture, c’est viser nos besoins fondamentaux, c’est aspirer au partage. Défendre les librairies, c’est promouvoir des espaces nécessaires pour faire vivre la production intellectuelle et la fiction.
Le deuxième confinement a vu leurs portes se fermer mais il reste beaucoup de librairies qui organisent des commandes que l’on peut aller chercher sans entrer dans le magasin. Choisie en photo de ce post, « Folie d’encre » à Aulnay-sous-bois en fait partie. Vous en trouverez ici la liste : https://www.librairies93.fr/
Pour vous donner envie, je vous livre quelques suggestions, plus personnelles que politiques, sans que cela ne s’oppose forcément. J’avoue que ce temps inhabituel de soirées chez soi m’a permis de faire de belles découvertes que je vous livre…
- « Chavirer », évidemment. Je suis une fan de Lola Lafon depuis son premier roman. Une fois encore, je vous recommande sa plume, sa subtilité, son humanité.
- « Thésée, sa vie nouvelle » de Camille de Toledo. J’ai dévoré, j’ai adoré. Une histoire de psycho-généalogie, dans laquelle l’auteur est rattrapé par les démons familiaux que l’on ne saurait fuir impunément… Le corps nous les rappelle. C’est aussi une réflexion sur le suicide. Superbe.
- « La voyageuse de nuit » de Laure Adler est une belle surprise. C’est parce qu’il m’a été chaudement recommandé que je me suis laissée tenter parce qu’a priori, un livre sur la vieillesse, j’avais peur de voir mon moral plombé… En réalité, c’est un livre tendre, drôle, pétri d’exemples et de citations qui donnent l’envie de vieillir. Et Laure Adler y pose ici les enjeux d’un défi de société.
- « Ce qu’il faut de nuit » de Laurent Petitmangin est un roman poignant. Ciselé et dérangeant. C’est l’histoire d’un père qui élève seul ses deux garçons après la mort de sa femme. Puis l’un d’eux bascule dans le militantisme d’extrême droite… Pour un père qui a passé beaucoup de temps à coller des affiches pour le parti socialiste, c’est un choc difficile à encaisser. La suite est tragique. À lire, vraiment.
- « Le goût du vrai » d’Etienne Klein est un court essai sur la vérité et la place des sciences dans le débat public. Je trouve le format de la collection Tract chez Gallimard très réussi et celui-ci, particulièrement utile en ces temps où la scientophobie et le complotisme ont ici et là le vent en poupe…
- « Ruptures » de Claire Marin m’a beaucoup touchée. Je suis impressionnée par la percée des femmes philosophes. En l’occurrence, c’est une entrée optimiste sur la rupture car elle fait partie de la vie et permet d’avancer. C’est une lecture stimulante sur une notion qui donne parfois le vertige…