Mobilisée la semaine dernière contre la réforme du gouvernement sur les retraites, Clémentine Autain n’a pas pu assister à l’audition de Jean Yves Le Drian par la commission des affaires étrangères. Elle l’interpelle aujourd’hui sur trois sujets internationaux qui l’inquiètent tout particulièrement.
En premier lieu, la crise européenne de l’accueil des réfugiés qui se présentent à la frontière grecque. Certains agissements de la part des autorités sont intolérables et la réponse européenne, uniquement sécuritaire, menace directement le droit d’asile et notre exigence de solidarité.
Ensuite, elle interpelle le ministre sur la situation des Ouighours, victimes en Chine d’une logique concentrationnaire terrible. Nous avons appris la semaine dernière que 80.000 d’entre eux étaient contraints au travail forcé dans des chaines d’approvisionnement des multinationales. Le silence d’Emmanuel Macron lors de son déplacement en Chine est le signe d’une diplomatie diminuée, qui n’a plus que la signature de contrats pour boussole.
Enfin, Clémentine Autain l’alerte à nouveau sur la situation du site gazier exploité par Total avec le soutien français à Bal’haf, au Yémen. Les ONG de défense des droits humains nous interpellent depuis des mois sur la transformation d’une partie de ce site en prison secrète par les Emirats arabes unis, où se dérouleraient tortures et exécutions sommaires. Alors que le ministère des armées dit ne disposer d’aucune information à ce sujet, Clémentine Autain s’inquiète de la cécité de nos services secrets.
Retrouvez ci-dessous les questions écrites :
Mme Clémentine Autain interroge M. Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, sur la prise en charge et l’accueil des réfugiés qui se présentent aux portes de l’Union Européenne. Le ministre, dans ses déclarations récentes, a affirmé qu’il n’était pas question d’ouvrir la frontière gréco-turque et que l’essentiel de l’effort européen serait destiné à la sécuriser, notamment via l’intervention de Frontex.
Mme Autain, si elle est consciente de la stratégie turque qui orchestre cette arrivée de réfugiés, interpelle le ministre sur certains agissements des autorités grecques. Des garde-côtes ont cherché à faire chavirer un bateau de migrants à la dérive ce lundi, et des associations commencent à recenser des pratiques qui sont intolérables (vols, coups, tirs de balles réelles…). Elle attire également l’attention du ministre sur la décision prise par la Grèce de suspendre sa procédure de demande d’asile pour un mois, ce qui contrevient totalement aux principes fondamentaux du droit d’asile.
Mme Autain souhaite donc savoir si cette rupture unilatérale de l’accord de 2016 (qui visait à externaliser les frontières européennes pour confier à la Turquie la gestion de l’arrivée des migrants), va se traduire par une responsabilisation de l’Union Européenne. Elle rappelle à ce titre que l’exigence de solidarité appelle le respect des droits fondamentaux des migrants – droits bafoués par l’accord susmentionné.
Mme Clémentine Autain interpelle M. Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, sur la persécution des Ouighours par le gouvernement chinois, et sur la logique concentrationnaire dont ils sont victimes. Entre 2017 et 2019, ils auraient été plus de 80.000 prisonniers à avoir été transférés dans des usines qui appartiennent aux chaines d’approvisionnement de quatre-vingt-trois grandes multinationales pour y travailler de force.
Le rapport de l’Aspi qui documente cette exploitation de masse cite par exemple des marques telles qu’Apple, Sony ou Nike. Alors que Pékin dénonce cette enquête en évoquant des « centres de formation professionnelle » ou encore des politiques de « rééducation par le travail », les marques concernées se défaussent sur la responsabilité de leurs sous-traitants.
Cette exploitation intervient dans le contexte plus général d’un internement de masse de près de deux millions de Ouighours dans la région autonome du Xinjiang. Stérilisations et avortements forcés, scènes de tortures, rétentions arbitraires, lavages de cerveau… En agitant la menace terroriste, le gouvernement chinois tente d’endoctriner toute une population musulmane par l’internement concentrationnaire et la répression systématique.
Mme Autain interpelle donc M. Le Drian sur la faiblesse de la voix française pour condamner ces agissements qui foulent du pied les droits humains les plus élémentaires. Le silence d’Emmanuel Macron à ce sujet, lors de sa visite en Chine début novembre, est le signe d’une diplomatie diminuée qui n’a plus que la signature de contrats pour boussole.
Mme Clémentine Autain interroge M. Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères, sur l’occupation par les Émirats arabes unis et par une milice armée d’une partie d’un site gazier au Yémen. Ce site est exploité par Yémen LNG, un consortium mené par Total qui en possède 39,6% des parts.
Plusieurs ONG (l’Observatoire des armements, SumOfUs et Les Amis de la Terre) ont enquêté et publié un rapport selon lequel la France serait très impliquée dans l’installation des infrastructures du site, tant par son soutien financier, diplomatique que stratégique. La réquisition depuis 2017 d’un tel site par les Émirats arabes unis pour en faire une base militaire, ainsi qu’une prison secrète où se dérouleraient arrestations arbitraires, actes de torture voire exécutions sommaires, pose de multiples questions sur une éventuelle responsabilité française.
Le ministère des armées ayant répondu à une question précédente de Mme Autain en expliquant qu’il ne dispose « d’aucun élément confirmant ou infirmant les informations recueillies par les organisations non gouvernementales », Mme Autain interpelle M. Le Drian à ce sujet. Il serait inquiétant que la France ne sache pas précisément ce qui se déroule au sein d’un site si hautement stratégique.