« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

La Réunion | Avec l’Union des femmes réunionnaises

Clémentine Autain

Très belle rencontre à l’invitation de l’Union des femmes réunionnaises (UFR) à Saint-Paul, en présence de ma collègue du groupe GDR Karine Lebon, députée de La Réunion. Plusieurs associations mobilisées pour l’émancipation des femmes ont participé à cet échange sur leurs combats. Ce qui frappe, ce sont les difficultés spécifiques rencontrées : la Réunion est le troisième département le plus violent envers les femmes. L’insularité est l’une des explications qui s’imbrique avec un mode de vie familial très répandu. Quand on habite dans une maison à côté de celle de ses parents, de ceux de son mari, de ses frères et sœurs, oncles ou tantes, il est toujours plus difficile de rompre le silence. Quand on habite sur une île qui offre peu de possibilité d’un éloignement véritable, il est plus compliqué de partir, surtout quand les difficultés sociales, la dépendance économique jouent à plein sur un territoire paupérisé.

Je veux ici exprimer toute mon admiration pour ces collectifs de femmes qui viennent en aide, résistent, agissent pour en finir avec les violences faites aux femmes et ouvrir la voie de la liberté. Nous partageons un diagnostic : Metoo a ouvert une brèche mais les politiques publiques ne suivent pas. Il manque de tant de moyens pour sortir du bricolage, pour permettre aux femmes de se délivrer de leurs chaines. Les logiques néolibérales et l’obsession de la réduction de la dépense publique sont de terribles freins aux avancées féministes. Mais les femmes créent des solidarités et inventent des moyens de se protéger. C’est d’ailleurs à Saint-Paul que j’ai découvert un dispositif qui existe en métropole, dans le Val d’Oise notamment, mais qui est insuffisamment développé : le badge « Mon Shérif ». C’est un petit appareil que l’on peut cacher dans ses vêtements et que l’on déclenche en cas de danger. Cinq numéros de téléphone pré-enregistrés sont alors appelés. Ce petit objet a déjà sauvé des vies. Il ressemble au téléphone « grave danger » mais ce dernier suppose d’avoir déjà sollicité la police. Or nous savons combien les femmes peinent à y recourir. Il faut à la fois faciliter le dépôt des plaintes et développer les moyens de prévenir les situations critiques même si les femmes n’ont pas voulu, pas su, pas pu faire appel aux institutions.

Un autre fait marquant de la discussion : pendant que nous nous battions en métropole pour obtenir le droit à l’avortement dans les années 1960-70, les femmes réunionnaises subissaient des stérilisations et des avortements forcés. Ce fait, comme d’autres, donne à voir des histoires qui ne sont pas semblables. À travers la question des femmes, j’ai pu mesurer une nouvelle fois à quel point nous devons regarder la réalité réunionnaise et agir pour ses habitant.es en ayant en tête les similitudes mais aussi les spécificités de ce territoire.

Un grand merci à toutes les femmes qui ont accepté cette rencontre, et en particulier à Evelyne Corbière, secrétaire générale de l’UFR.

Clémentine Autain

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