Motion de censure balayée hier soir dans un hémicycle surchauffé par le mépris et le déni des députés macronistes comme par notre détermination à exiger le retrait de ce texte et à dénoncer le recours au 49.3.
« Mes chers collègues,
C’est un fiasco.
Vous avez beau maquiller la réalité de votre projet sur les retraites, y compris avec une étude d’impact de 1000 pages totalement faussée ;
Vous avez beau tenter de banaliser le recours au 49.3, en nous expliquant que d’autres avant vous y ont bien recouru – vous me faites penser à la tante Marhta dans un roman de John Irving : « Ma tante Martha, comme la plupart des Américains, savaient se montrer tyrannique quand il s’agissait de défendre la démocratie… » ;
Vous avez beau rejeter la faute de votre coup de force sur l’opposition, notamment la nôtre qui refuse en bloc ce texte et saisit toutes les opportunités pour exprimer son point de vue, dans le cadre qui lui est imparti démocratiquement ;
Vous avez beau décuplé d’effort de communication pour faire avaler aux Français la pilule de votre régression sociale et de votre attitude autoritaire;
Rien n’y fait. Rien n’y fera.
Le peuple français reste opposé à cette contre-réforme qui vise à nous faire travailler plus longtemps pour des pensions de retraite au rabais. Dans votre système, il n’y a que des perdants, à part bien sûr les fonds de pension. Ce qui vous guide, c’est la règle d’or et le productivisme. Nous, nous proposons le partage des richesses et des temps de la vie. De sortir de la compétitivité financière et du consumérisme. Assumons cette opposition entre nous, cette différence diamétrale de choix de société !
Pourquoi mettre fin au débat parlementaire, en choisissant en prime de nous couper le sifflet au moment où nous allions attaquer les enjeux majeurs du calcul de la valeur du point et de l’âge d’équilibre ? Quelle urgence ? Pourquoi passer sur le corps du pouvoir législatif et de la volonté des Français que vous refusez de consulter par référendum ?
La réalité, c’est que nous sommes entrés dans une crise profonde.
Une crise politique.
Ce 49-3, c’est une main que le gouvernement pose sur ses yeux pour s’éviter le spectacle d’une société en feu. Pour s’empêcher de voir que derrière ce projet de loi soi-disant universel, il ne fait que provoquer l’universalité des colères.
Quel sera cet indicateur-mystère sur la base duquel sera calculé le point ? Quelles seront les modalités pour les pensions de réversion ? Les critères définitifs de pénibilités ? Les mécanismes de compensation ? Les paramètres du coefficient de conversion ?
Toutes ces questions, que l’on vous a posées et reposées, sont restées sans réponse. Elles sont autant de bombes à retardement. Faire passer ce texte sans en avoir les réponses, mes chers collègues, c’est irresponsable. Irresponsable, comme faire miroiter aux agriculteurs une pension minimale de 1000€ alors qu’il n’en est rien. Irresponsable comme dire que les femmes, puis les avocats (allons-y !), seront les grands-gagnants de la réforme. Irresponsable comme affirmer inlassablement que notre système est en déficit alors qu’il est à l’équilibre.
Vous pouvez vous rassurer en restant dans votre bulle, la réalité, c’est que le peuple français a relevé la tête. Malgré toutes les difficultés à faire grève quand les mois sont si difficiles, malgré vos gaz lacrymogènes disproportionnés, vos balles de LBD, malgré votre entêtement et votre mépris, le peuple français est passé de la fatalité à l’indignation, de l’acceptation à la révolte.
Oui, quelque chose s’est levé, et ne s’éteindra pas. Et pour cause… Le texte sur les retraites et le recours au 49.3 parachèvent votre œuvre de destruction sociale et démocratique. Dès le début de votre mandature, vous avez marqué du sceau de l’injustice vos politiques : pendant que des milliards étaient redistribués aux plus riches, avec la réforme de l’ISF ou la flat-tax, que des exonérations fiscales venaient soutenir les grandes entreprises et leurs profits, vous avez demandé au grand nombre de faire des efforts en baissant les APL, en diminuant les droits de chômeurs, en asphyxiant les budgets publics. Votre projet sur les retraites vient couronner des choix qui servent une infime partie de la population, les hyper-riches.
Ce qui est mis à nu aujourd’hui, c’est une Ve République consacrant une monarchie présidentielle et permettant de passer outre la volonté du peuple. La crise est politique mais elle touche plus profondément notre régime. Oui, il faut une nouvelle République, pour réparer demain ce que vous détruisez aujourd’hui. Oui il faut une nouvelle République pour qu’au lieu d’abaisser toujours le plafond, on élève enfin le sol de notre démocratie. »