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Le Spasfon : ne plus avaler la pilule ?

Clémentine Autain

Mme Clémentine Autain attire l’attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la prescription massive du Spasfon et son remboursement partiel par l’Assurance maladie.

La chercheuse Juliette Ferry-Danini vient de publier le livre-enquête Pilules roses, De l’ignorance en médecine (Stock). Elle y montre que l’efficacité supposée du Spasfon, massivement prescrit aux femmes pour lutter notamment contre les douleurs menstruelles, ne repose en réalité sur aucune donnée scientifique. Aussi hallucinant que cela puisse paraître, aucun essai clinique contrôlé randomisé n’aurait été mené sur ce médicament qui est pourtant l’un des plus vendus en France. La Haute Autorité de santé a de son côté jugé le « service médical rendu » par le Spasfon « faible » dans le traitement des douleurs digestives, urinaires et gynécologiques.

Cette situation illustre à nouveau un sexisme latent dans le secteur médical. Sans revenir sur la couleur rose des pilules, un cas d’école de marketing genré, la prescription massive du Spasfon aux femmes malgré son inefficacité est emblématique de la sous-estimation de leurs douleurs, du trop faible intérêt porté à la santé des femmes ainsi que des carences en recherche clinique sur celle-ci. Le Spasfon est d’ailleurs régulièrement prescrit à des femmes atteintes d’endométriose, venant souvent prolonger souffrances et errances médicales.

M. le ministre, ce sont chaque jour près de 70.000 boîtes de phloroglucinol – la molécule du Spasfon – qui sont prescrites. Plus encore sont vendues, puisque le médicament est en vente libre. Le taux de remboursement s’élève à 15% et Juliette Ferry-Danini estime que pour la seule année 2021, le Spasfon et ses génériques ont coûté 13,5 millions d’euros à l’Assurance maladie.

Jusqu’à quand les autorités sanitaires vont continuer à rembourser ce médicament en dépit d’un manque cruel de données prouvant son efficacité ? Clémentine Autain rappelle que l’intérêt des patients n’est pas celui des industriels : il revient à la puissance publique de contrôler l’industrie du médicament pour que la logique du profit ne prévale pas sur le droit à la santé.

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