Très attendue, l’allocution du Président de la République aura donc duré 27 minutes. Le ton n’était pas guerrier cette fois-ci. Tant mieux. Et il a plu des remerciements. À la bonne heure…
Mais concrètement ? Les annonces brillent par leurs contradictions. Nous resterons donc confinés jusqu’au 11 mai. À partir de cette date, les crèches et les écoles seront progressivement ré-ouvertes. Ce sont des lieux de contagion par excellence et d’ailleurs, ce furent les premiers fermés au début du confinement car les enfants propagent le plus le virus. Auront-ils les moyens d’assurer la protection ? Sans aucune annonce précise en matière de production de masques et de tests, Emmanuel Macron évoque les gestes barrières qui y resteront nécessaires. Dans une classe de 25 ou 35 élèves, il va vraiment falloir pousser les murs pour assurer les 1 mètre de protection ! Dans les cours de récréation, souhaitons bon courage aux surveillants pour éviter les uns de postillonner sur les autres ! Philippe Klein, médecin français basé à Wuhan, dit que « pour bien réussir le confinement et le déconfinement, les enfants doivent être les premiers à rester à la maison et les derniers à en sortir ». Or le Président a précisé que les étudiants, eux, ne reprendraient qu’en septembre. L’objectif n’est donc pas scolaire… Il s’agit avant tout de permettre aux parents de retourner travailler. Car les étudiants, contrairement aux plus jeunes, peuvent se garder tout seul. La relance de la machine économique a pris le dessus sur la protection sanitaire. La séparation de l’État et du Medef, ce n’est visiblement pas pour demain… Qu’importe les conditions, pourvu que le système se remette en route…
Hier soir, le plan de marche pour combattre le virus, avec de l’anticipation et de l’organisation précise, pour envisager de façon cohérente une sortie du confinement est resté introuvable. Nous savons que le dépistage massif est la clé. C’est le point de vue largement affirmé par les scientifiques. Sommet de contradiction dans le discours de Macron, les personnes qui auront des symptômes de la maladie seront testées mais pas les sujets asymptomatiques. Or ces derniers sont contagieux ! Comment allons-nous ainsi échapper à une deuxième vague de Covid19 ? Ce n’est absolument pas sérieux.
Pour le reste, j’ai peu goûté cette façon, qui n’est pas nouvelle, de faire porter l’essentiel de la responsabilité sur chacune et chacun d’entre nous. Les entreprises non essentielles qui continuent ou reprennent leur activité sans être en mesure de protéger ceux qui travaillent n’ont pas été pointées du doigt mais la réussite du dé-confinement dépendrait de notre seule capacité individuelle à respecter, d’ici au 11 mai, les règles de confinement. Autrement dit, si deuxième vague il y a, ce sera de notre faute et non de celle de l’impréparation gouvernementale. Macron croit sans doute avoir sorti ici son parapluie anti-critique mais la ficelle est vraiment grossière.
Enfin, dans un mouvement douteux de triangulation politique, nous avons entendu Macron évoquer la Révolution française et les Jours Heureux. Diantre. Ces grandes heures de notre histoire sont celles des conquêtes sociales et non des régressions. Comment l’artisan de la fin de l’ISF ou de la contre-réforme des retraites peut-il s’inscrire dans le fil de ces temps de partage des richesses et d’élévation des droits ? Jouant la carte de l’humilité, il a affirmé que la crise sanitaire l’avait lui-même changé. Tel le Guépard, on a le sentiment qu’il prétend que tout va changer pour que rien ne change. Et on se demande au final ce qui est sincère dans son discours et ce qui relève de la pure communication politique. Au regard de la tragédie que nous traversons, il est dangereux de se payer de mots quand on dirige le pays. Le réel ne peut que rattraper ceux qui, aux manettes, auront menti et rendu impossible une sortie du confinement sûre et socialement juste.
Clémentine Autain