Avec les insoumis, nous avons la conviction que l’union aux élections européennes est le meilleur chemin pour gagner en 2027. D’ailleurs, les sondages le montrent (1), le peuple de gauche et des écologistes plébiscite une liste de la Nupes aux européennes. Benoît Hamon, Sandrine Rousseau, Jérôme Guedj ou encore Elsa Faucillon traduisent cette aspiration dans leurs prises de position. En défrayant la chronique avec son annonce aux « Amfis » à Valence, Ségolène Royal a le mérite de poser le débat sur l’union à l’échelle du grand public.
Une course contre la montre est engagée avec l’extrême droite et la macronie. Il faut prendre la mesure de la tripolarisation du champ politique qui change la donne par rapport au clivage classique droite/gauche des décennies précédentes. Divisés, nous n’avons aucune chance d’être devant. Nous laissons ainsi le champ libre à nos adversaires. Bien sûr, nous pourrons toujours faire des additions mais cela n’aura pas la même force qu’un chiffre nous plaçant dans le jeu avec les adversaires macronistes et RN. Ensemble, nous pouvons marquer le paysage politique en arrivant en tête au soir de l’élection européenne.
Pour faire vivre la Nupes, l’ancrer dans une réalité militante et l’affirmer dans le pays, rien de tel que de mener campagne ensemble. A contrario, partir séparément favorise la distinction par l’auto-affirmation des composantes de la Nupes. La compétition électorale amène logiquement chaque liste à chercher à se distinguer des autres, ce qui renforcera les lignes de clivage au lieu de conforter le commun. La coopération vaut mieux que la compétition pour faire vivre l’union.
Si nous voulons gagner en 2027, se mettre d’accord sur l’Europe est une étape importante pour être crédibles aux yeux des Français comme coalition capable de gouverner. Se présenter séparément, c’est contribuer à entretenir l’idée de visions divergentes sur l’Europe. Or le programme Nupes des législatives de 2022 comporte une base sérieuse pour un discours commun sur l’Union européenne.
Enfin, LFI propose aux Écologistes la tête de liste, ce qui constitue un pas important pour construire l’alliance de 2024. C’est aussi une façon de faire vivre le pluralisme de la Nupes.
Ces convictions posées, je ne suis ni sourde, ni aveugle : l’hypothèse du rassemblement aux européennes a du plomb dans l’aile. J’ai bien vu qu’un vote sur l’orientation d’EELV avait eu lieu, avec un résultat net. J’ai bien noté que le PCF s’engageait pour partir seul avec une tête de liste déjà désignée. J’ai bien lu l’interview d’Olivier Faure dans Libération, qui se dit résolu à une liste autonome du PS.
Les unionistes dont je suis continuerons à chercher à convaincre. Et, quoiqu’il arrive, il nous faudra continuer à agir pour le rassemblement, remettre l’ouvrage de l’union sur l’établi. Car nous n’avons pas le droit de rater l’étape décisive de 2027. Parce que l’extrême droite menace de prendre le pouvoir. Parce que le climat et les plus fragiles d’entre nous ne supporteraient pas un quinquennat supplémentaire de politique anti-sociale, de folie productiviste et consumériste, de régressions démocratiques. Parce que, dans le cadre de la tripolarisation, l’union à la présidentielle est essentielle pour franchir le seuil du premier tour et ouvrir la voie du progrès humain.
Les difficultés du mouvement social, de la mobilisation citoyenne et même du Parlement à obtenir la moindre victoire, le moindre compromis avec le pouvoir en place disent l’urgence à construire l’union politique et populaire capable de gagner. En tant que forces et responsables politiques, notre devoir est de bâtir le cadre et le discours qui vont susciter l’espoir, l’adhésion du grand nombre, la victoire électorale.
Pour y parvenir, nous avons besoin de renforcer la Nupes. Ses espaces de discussions et de prise de décisions. Son ancrage territorial, partout en France. Son lien avec les acteurs/trices du monde du travail et de la création. Sa capacité d’initiative et sa visibilité pour le grand public.
La Nupes ne peut vivre que si elle sait tenir l’équilibre entre cohérence et pluralisme. Si nous n’apparaissons pas comme une force suffisamment homogène sur l’essentiel, avec un cap commun bien identifié, alors nous aurons du mal à convaincre. Si nous sommes un bloc monolithique, incapable de faire vivre notre diversité qui est une richesse, alors nous perdrons en rayonnement et en attractivité. L’union n’est pas seulement un combat, elle est une culture.
La France insoumise, qui a initié la Nupes et en est le fer de lance, a une responsabilité majeure pour rendre possible la pérennité de notre rassemblement. Le rapport de force ne peut pas être l’alpha et l’oméga des relations entre alliés au sein de notre coalition. Les partenaires de LFI, dont chacun aura compris la volonté de modifier les équilibres politiques de la Nupes à leur profit, ont aussi une responsabilité : ne pas sacrifier l’union sur l’autel de l’affirmation de leur identité. Si la Nupes se fracassait, toutes les composantes en paieraient le prix fort. Et les premières victimes seraient les Français.es.
Clémentine Autain
(1) Sondage réalisé par l’Ifop à lire ici