« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Motion de rejet : le coup de tonnerre !

Clémentine Autain

Fin du « en même temps » et crise et de régime 

Le vote de la motion de rejet de la loi sur l’immigration a sidéré la macronie.

Que Gérald Darmanin ait été défait hier dans l’hémicycle, voilà une bonne raison de se réjouir. Lui qui a mis en œuvre les pires méthodes pour aller chercher un à un les députés de droite qui lui faisaient défaut, promettant l’installation d’une gendarmerie ici, un renforcement des effectifs de police ailleurs – ou comment acheter des votes avec de l’argent public. Lui qui a dépensé tant d’énergie pour piller les idées de la droite dure au service de Renaissance. Lui qui se rêvait en successeur de Macron. Sa défaite est de salubrité publique.

Mais hier, ce fut surtout la démonstration concrète d’un fait : il n’y a pas de majorité à l’Assemblée nationale pour le parti présidentiel. Les députés ayant voté cette motion ont envoyé ce simple message. Le gouvernement paie l’addition de ses 49.3, la facture de ses innombrables coups de force et brutalisations. Il s’agit là d’une rupture avec le cycle ouvert depuis un an et demi dans lequel la macronie et LR s’arrangeaient au gré des textes de loi, comptant parfois le RN comme force d’appoint. Et quand, même avec ces basses manœuvres, le compte n’y était pas, le couperet du 49.3 ne manquait pas de tomber. 20 fois en près de 18 mois ! Le régime en ressort en état d’asphyxie, et la macronie dans l’impasse.

La minable parade du gouvernement, suivie par tant de journalistes « mainstream », c’est d’oser mettre en cause une prétendue collusion entre les « les extrêmes qui se rejoignent ». Misère de la pensée paresseuse ! L’idée d’une « alliance contre nature », pour reprendre les mots de Darmanin, est aussi délirante qu’improbable. Surtout, c’est une ficelle bien grosse pour masquer leurs propres collusions. Comment ne pas voir que ce sont eux qui donnent des brevets de respectabilité à l’extrême droite et qui marchent à droite toute ? En optant pour la Commission Mixte Paritaires (CMP), c’est-à-dire 7 députés et 7 sénateurs qui devront s’accorder sur le texte, le gouvernement fait le choix délibéré de laisser le texte se durcir encore davantage. Il décide de se mettre dans les pas des droites dures. En effet, la majorité n’est pas atteignable sans l’accord des LR qui sont engoncés dans une surenchère permanente d’idées réactionnaires et xénophobes avec le RN. La macronie aurait pu – et peut encore – retirer le texte. Elle aurait pu – et peut encore – retourner devant les électeurs tant le peuple doit toujours rester le suprême souverain. Elle aurait pu – et peut encore – se lancer dans un changement institutionnel en révisant une constitution à bout de souffle, la Ve République. 

Ce second quinquennat est impossible pour Emmanuel Macron qui n’a pas de majorité absolue pour « régner » comme il l’entend. Au lieu d’accepter de travailler différemment avec les oppositions et d’acter que son score de second tour n’était absolument pas corrélé à une adhésion majoritaire à son projet, il a jusqu’ici agi avec le mépris qui le caractérise. En recourant ad nauseam à la méthode brutale permise par la Ve République. La réforme des retraites fut de ce point de vue une leçon de chose : le gouvernement a tordu jusqu’à l’absurde la Constitution pour pouvoir faire usage du 49.3 sur ce texte et s’est politiquement assis sur toutes majorités du pays – syndicats, Français dans les enquêtes d’opinions, représentation nationale. Ce pouvoir technocratique se délecte de sa toute-puissance mais il a trouvé hier une limite avec la motion de rejet, brillamment défendue par Benjamin Lucas au nom du groupe EELV-Nupes.

Ce qui reste, c’est la certitude que Macron n’a pas pris la mesure de la crise dans laquelle est enfoncée notre République. Et que nous avons bien raison de défendre un changement de politique et de régime. Notre responsabilité, c’est de tout faire pour que l’extrême droite ne tire les marrons du feu. L’épisode de cette loi immigration doit nous servir de leçon. Divisés, nous prenons le risque sérieux d’un face à face morbide entre Macron et Le Pen. Unis, gauches et écologistes pouvons former une alternative solide et utile. 

Clémentine Autain

Menu