C’est dans un silence assourdissant que le monde de la culture subit un massacre avec la crise sanitaire et les mesures de confinement. S’il est un secteur absent des préoccupations dominantes, c’est bien celui-ci. Comme si la culture était décidément périphérique, non essentielle, presqu’accessoire dans notre société du spectacle et de la marchandise. Il me semble, au contraire, que sa place est décisive dans nos vies. La culture travaille nos imaginaires et permet le partage sensible. C’est le lieu de l’échange et de la création par excellence. Nous en avons un besoin impérieux à l’échelle individuelle mais aussi collective, pour penser l’après… qui commence maintenant. Or, c’est silence radio côté gouvernemental. On finit par se demander s’il existe un ministère de la culture dans ce pays… Et le sujet effleure à peine dans le débat public.
En attendant, le tableau est des plus inquiétants. La réouverture des cinémas, salles de concert et théâtres n’est pas à l’ordre du jour. Les festivals de l’été, qui permettent à tant de troupes ou de créateurs qui n’ont pas pignon sur rue de faire connaître leur travail, s’annulent les uns après les autres. Les intermittents, artistes et techniciens, se retrouvent sans heures à valider pour obtenir un filet de sécurité. Que fait le ministère de la culture ? Le flou reste total. Quant aux musées, les « petits » pourront rouvrir. Mais qu’est-ce qu’un petit musée ? Silence dans les rangs gouvernementaux.
Les mesures sanitaires doivent être au rendez-vous pour que chacune et chacun soit protégé. Mais anticiper les conséquences de fermetures prolongées est la tâche de l’État. Ici, nous ne voyons rien venir et le temps passe, le temps presse… Au final, les plus grosses structures pourront survivre. Mais les autres ? C’est tout le maillage territorial d’une culture de proximité et les possibilités de démocratiser l’accès à la culture qui sont menacées dangereusement. Prenons l’exemple des librairies et maisons d’édition. Amazone a continué à envoyer des livres mais les librairies indépendantes, portes closes, se retrouvent dans une situation difficile et parfois même au bord de la fermeture. Après des mois d’arrêt, les grandes maisons d’édition survivront mais les plus petites risquent vite de mettre la clé sous la porte. Nous savons déjà que le nombre d’auteurs publiés à la rentrée sera massivement réduit. Même topo pour le grand écran. Je pense au cinéma Jacques Tati à Tremblay-en-France qui va rencontrer forcément des difficultés d’une autre ampleur que les salles Gaumont ou UGC des centres commerciaux avoisinant. Si des mesures ne sont pas prises pour aider et sauvegarder, la diversité culturelle et intellectuelle sera vite un vieux souvenir…
Alors je tire la sonnette d’alarme. Parce que la culture est un bien commun essentiel à la vie et à l’émancipation humaine. Parce que nous devons et pouvons agir pour soutenir ce secteur aux abois et permettre une vie digne à toutes celles et ceux qui font vivre la création dans ce moment de crise paroxystique.
Clémentine Autain