« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Visite d’une frontière : l’aéroport de Roissy #migrants

Clémentine Autain

Vendredi dernier, avec ma collègue Sabine Rubin, nous avons fait valoir, en tant que parlementaires, notre droit de visite des lieux de privations. Dans le cadre d’une campagne du groupe LFI sur les droits des migrants et pour la création d’une commission d’enquête sur le respect des droits humains aux frontières, après notre bataille contre la loi « asile et immigration » et au moment où nous devons affronter l’offensive idéologique de l’extrême droite, nous avons visité une frontière tout près de chez nous : l’aéroport de Roissy. C’est ici que chaque jour des personnes qui circulent se trouvent contrôlées.

Nous avons donc cheminé sur le parcours potentiel d’un migrant, de la sortie de l’avion à l’espace d’hébergement prévu dans l’attente d’une décision de reconduite ou de titre de séjour. Ce qui nous a frappé, c’est notamment le contraste entre le luxe de l’aéroport – nous venions de traverser un espace d’embarcation avec des enseignes prestigieuses – et la salle d’attente particulièrement vétuste dans laquelle les personnes qui ne présentent pas tous les justificatifs requis sont installés le temps des vérifications : sans fenêtre, avec des tags au mur, ce lieu étroit et froid donne une impression de pré-condamnation.

Ce fut l’occasion de discuter avec deux personnes présentes, l’une au bord des larmes, attendant un simple papier manquant pour un séjour touristique mais trouvant le lieu et l’attente visiblement oppressants, l’autre espérant échapper à un triste sort dans son pays natal africain, et donc terriblement anxieux de son avenir. La suite de la visite nous a conduit un peu plus loin vers le lieu où résident les personnes en attente de jugement. Honnêtement, je m’attendais à pire (pour ne pas dire au pire) mais la vétusté du bâtiment – des seaux et des serviettes étaient installés ici et là pour parer aux fuites d’eau en ce jour de pluie ! – est notable, comme le défaut de moyens pour informer et accompagner dignement les personnes – un exemple : la liste des avocats à contacter date de… 2008 !

J’ai toujours pensé que voir les situations concrètement permet de mieux ressentir et comprendre ce qui se passe. En politique, les notes et les chiffres ne suffisent pas, ils peuvent même masquer le réel. C’est pourquoi cette présence donne de la chair et du concret à la défense des droits des migrants. Au même moment, d’autres collègues étaient à Calais, à la frontière italienne et ailleurs. Manière pour nous de prendre position. Manière aussi de voir nourrie notre colère contre les présupposés. La crise que nous traversons n’est pas l’invasion migratoire mais bel et bien celle de l’accueil des migrants et du regard que nous posons sur eux dans une période de crises multiples.

Clémentine Autain

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