Dimanche 12 octobre, j’étais présente en visio aux Rencontres de Cluny. Trois questions étaient posées. Voici mes réponses.
À quoi faut-il se préparer ?
À tout.
Parce que nous vivons une accélération de l’histoire.
Au moment où je vous parle, Sébastien Lecornu imagine même démissionner à nouveau s’il n’arrive pas à former un gouvernement… LR, Horizon et l’UDI ne veulent pas participer à cet énième Titanic gouvernemental, qui n’aurait sans doute que quelques jours de vie devant lui, avant la censure.
Le spectacle du pouvoir, obsédé à se reproduire sur lui-même pour maintenir les privilèges d’une petite caste dont Macron est le porte-drapeau, est si grotesque et cynique qu’il met au chômage technique toute la presse satirique, qui ne peut pas rivaliser !
La folie furieuse du Président de la République emmène le pays dans l’instabilité extrême, en détruisant l’espoir d’une vie meilleure pour la population et en détruisant ce qu’est notre pays, la France – « Macron bousille la France » est notamment ce que j’ai entendu en boucle hier matin sur le marché de Sevran, avec la demande insistante de la démission de Macron.
Maintenant, tous les scénarios sont possibles.
Les pires mais aussi les meilleurs.
Car nous assistons à l’implosion du « bloc central » – qui ressemble aujourd’hui plutôt à une aiguille qu’à un bloc, et qui est plutôt très droitier que central. Il faut donc se préparer à un changement politique. Pour le dire simplement : je pense que le temps est à l’alternative entre l’extrême droite, qui a le vent international, trumpiste, dans les voiles ou à l’union de la gauche et des écologistes.
C’est dire la gravité de ce à quoi il faut se préparer. Car la confrontation avec le néofascisme qui suppose de la solidité et des capacités de rassemblement. Or nous avons un point d’appui dans notre pays qui a la passion de l’égalité : c’est que la justice sociale et fiscale est au cœur des attentes aujourd’hui, et nous sommes les meilleurs pour la porter.
Comment on prépare la société à ce qui se prépare ?
En unissant la gauche et les écologistes. En travaillant. En inventant.
C’est ce qui entraînera.
Je mets d’emblée en garde contre une forme de mélancolie qui se répand face au spectacle d’une gauche éclatée, une gauche qui, pour l’instant – et j’insiste sur le « pour l’instant » -, apparaît incapable d’accorder ses violons dans ce moment où l’histoire bascule dangereusement. S’il faut toujours avoir le pessimisme de l’intelligence, je crois que nous devons aujourd’hui ne pas lâcher l’optimisme de la volonté.
Ce dont la société a besoin, c’est de voir grandir une issue de progrès humains, sociale et écologiste, à la catastrophe qui s’annonce. Nous avons besoin d’un grand mouvement social. Nous avons besoin d’un peuple de gauche mobilisé. Or la division à gauche met à mal l’espoir d’une victoire possible. Or on se bat d’autant plus et d’autant mieux que l’on est mû par une espérance politique. L’union est un moteur, une raison de croire en nos chances de victoire. À condition qu’elle soit adossée à un projet qui transforme en profondeur le pays.
Ce qui peut unir, cimenter, parler au grand nombre, c’est le rejet de la marchandisation du monde et la construction d’une société des communs, c’est-à-dire une société qui partage les richesses, les ressources, les pouvoirs, les savoirs et les temps de la vie.
Comment on remet l’écologie comme facteur de rassemblement de la société ?
Je suis convaincue que l’écologie est un puissant moteur de conviction et de mobilisation à gauche. Il n’y a qu’à voir le succès de la pétition contre la loi Duplomb pour s’en convaincre. Les jeunes générations sont massivement habitées par cette question. De plus en plus de citoyennes et de citoyens vivent dans leur chair le désastre que la société a produit : je pense à leur santé ou aux catastrophes naturelles qui se démultiplient.
Alors bien sûr il y a le backlash. Comme toujours quand une idée émancipatrice avance.
Comment y faire face et faire mieux pour porter l’écologie ?
Pour moi, il y a un crédo majeur : sortir l’écologie de la logique du geste plus un geste et de la critique des modes de vie, où le mépris de classe n’est jamais loin. Il faut au contraire ancrer l’écologie dans une proposition de changement structurel, collectif, de notre organisation sociale, de notre mode de production. C’est comme ça que l’écologie ne sera pas perçue comme une leçon de morale individuelle ou une contrainte, comme une entrave au plaisir, mais comme une manière de vivre mieux, et donc de mieux jouir de la vie.
J’insiste sur le plaisir. L’écologie ne peut être rassembleuse que si elle rime avec. Or sortir du consumérisme, protéger nos vies des agressions, des dangers liés à la destruction de l’environnement, mieux manger, mieux se déplacer, produire des choses utiles, mettre en commun… Tout cela donne de l’air et du sens à nos vies. C’est du mieux et c’est joyeux. C’est pourquoi cela peut être très contagieux… et contribuer à notre victoire !
Clémentine Autain