Narcotrafic : mes propositions pour agir

J’ai participé à l’hommage marseillais rendu à Mehdi. Des milliers de personnes sont venues exprimer leur émotion et leur solidarité à l’endroit même où il a été lâchement assassiné. Cet ignoble meurtre blesse une nouvelle fois tragiquement la famille Kessaci. C’est un acte qui vise à terroriser toute une population et à défier ceux qui brisent le silence sur le narcotrafic.

 

La mort de Mehdi doit fonctionner comme un électrochoc politique. Les mots de son frère Amine, dont la solidité et la dignité forcent l’admiration, nous guident. Comme il l’a affirmé dans sa tribune au Monde, « nous comptons nos morts. Mais que fait l’État ? ».

 

Oui, il est grand temps d’agir contre le narcotrafic.

C’est un enjeu que je connais bien car je suis élue d’un territoire de Seine-Saint-Denis où se situe une grande plaque tournante de la drogue, à Sevran. Je le dis sans détour : la réponse centrée sur le volet répressif est une impasse. Pour une première raison simple : aller en prison fait tristement partie du parcours des dealers, elle est intégrée dès le départ à leur activité. La prison permet même de renforcer les réseaux.

 

Je propose d’agir en trois actes :

 

1/ S’attaquer à l’argent du narcotrafic, voilà une priorité ! S’en prendre à leur portefeuille, c’est agir là où ça fait mal. Ce volet financier, décisif, la France a pendant très longtemps tardé à s’y atteler, optant toujours pour le sécuritaire qui ne fait aucunement ses preuves.

Concrètement, il s’agit de donner davantage de moyens aux parquets, à TRACFIN, aux enquêtes de blanchiment d’argent. Tracer précisément à qui appartient l’argent blanchi du narcotrafic permettra d’arriver aux têtes de réseaux, aux commanditaires, et de stopper le mal à la racine. C’est comme ça qu’on ciblera le plus efficacement les organisations criminelles, pas avec le tout-répressif dans les quartiers populaires qui, eux, ne sont que le bout de la chaine.

Il faut aussi renforcer la coopération internationale, les échanges d’informations entre États, pour qu’il y ait davantage de transparence sur ces flux financiers.

 

2/ Investir dans nos quartiers populaires est le deuxième axe essentiel pour faire reculer efficacement le narcotrafic. Car quel avenir proposons-nous aux jeunes de ces territoires quand les services publics disparaissent, que l’école n’a pas les moyens de tenir sa promesse d’égalité, que les logements sont indignes, que le racisme et les discriminations s’ancrent ? C’est un investissement au long cours dont nous avons urgemment besoin.

En urgence, nous devons protéger les habitants de ces quartiers concernés : il faut anonymiser les signalements sur des plateformes sécurisées, sécuriser les halls d’immeubles, accompagner les familles touchées. L’État doit également investir dans une police de proximité, notamment démantelée sous Nicolas Sarkozy. Une police du quotidien, qui connait les habitants et dont les méthodes d’intervention sont à renouveler au regard des pratiques actuelles de la police nationale.

 

3/ Une politique de santé publique est également indispensable. Prévenir les pratiques addictives, c’est assécher la demande. Cela suppose des moyens humains pour accompagner les personnes dépendantes à la drogue. Cela suppose de mettre en place de grandes politiques de prévention.

 

Je veux enfin proposer deux chantiers pour notre conversation publique. D’abord, la légalisation du cannabis. C’est une piste pour casser une partie du trafic. Je n’y ai pas toujours été favorable mais les études que je lis, les expériences menées conduisent à considérer sérieusement cette mesure. Nous devons pouvoir en débattre.

Ensuite, la place de l’argent dans notre société. Car si des jeunes optent pour le deal, c’est parce qu’ils manquent de perspectives, de projection positive dans l’avenir. Et qu’au fond, ils souhaitent, eux aussi, faire partie des gagnants d’un système qui érige l’argent comme le graal.

 

Clémentine Autain

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