« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

Lucie Castets à Matignon : il est plus que temps !

Clémentine Autain

Quel est ce président de la République qui décide la dissolution de l’Assemblée nationale et pourrait s’asseoir sur le résultat des urnes ? C’est Lucie Castets et personne d’autre qui devrait déjà être à Matignon pour commencer à réparer les dégâts de toutes ces années de politiques austères et brutales, dérégulatrices et productivistes.

Le Nouveau Front Populaire est arrivé en tête, et aucune autre coalition n’a davantage de soutien de député.es – les droites sont d’ailleurs arrivées en ordre dispersé à l’Élysée pour les consultations. Notre rassemblement fait bloc. Le NFP est la force qui a le plus de légitimité pour gouverner. Et Lucie Castets accomplit une campagne remarquable depuis deux mois : un sans-faute. Il est plus que temps de la nommer.

Macron pris à son propre piège

Emmanuel Macron est un Machiavel de bac à sable. Son ennemi principal n’est pas le RN mais nous. L’extrême droite fonctionne à ses yeux comme une assurance vie : se retrouver face à elle serait le sésame de la victoire. C’est pourquoi, dans le cadre d’un champ politique reconfiguré autour de trois pôles, la macronie s’attaque prioritairement à ceux qui peuvent lui disputer la deuxième place. Macron a dissous dans l’espoir de voir notre camp laminé. Il a espéré profiter de nos divisions manifestées, il est vrai, avec bien trop de fracas pendant la campagne des européennes. Mais c’était sans compter l’instinct de survie et l’intelligence politique des partis de gauche et écologistes. Et sans anticiper la disponibilité dans le pays pour une mobilisation sociale, culturelle et citoyenne d’ampleur contre le RN et pour un changement de cap politique. Le scenario du Nouveau Front Populaire, Macron ne l’avait pas imaginé. Comme si nous n’avions pas su faire la Nupes. Comme si nous ne savions pas ranger nos dissensions voire nos haines quand l’extrême droite menace le pays. Comme si la tradition à gauche de rassemblement dans les grands moments de basculement n’existait pas.

Macron a été pris à son propre piège : le NFP est arrivé en tête le 7 juillet. Au lieu de reconnaître les résultats, le Président a déjà pris deux mois de latence avant de choisir son/sa premier.e ministre. Pendant ce temps, les ministres continuent à prendre des décisions et à préparer le budget ! La macronie a été massivement et clairement sanctionnée mais elle s’entête à chercher le meccano pour garder le pouvoir, pour maintenir son cap politique. Ce déni de l’expression des Français.es est sidérant. Macron profite des pires mécanismes de la Ve République et du pouvoir exorbitant qui lui est conféré. Il joue avec le feu.

Le prétexte insoumis déminé

Il y avait bien un chiffon rouge agité par les droites et les médias dominants pour contourner la nomination de Lucie Castets : les « dangereux insoumis ». Si LFI est le problème, quid d’un gouvernement Castets sans ministres issus de ses rangs ? La question très habile posée par Jean-Luc Mélenchon vient de renvoyer dans leurs cordes les tenants du bashing anti-LFI. Les droites n’ont pas à faire de tri au sein du NFP et à dire qui doit ou non gouverner – ce sont les Français qui tranchent dans les urnes. Mais la demande de JLM met en relief le prétexte et donc le fond du problème : le sectarisme inouï des droites et leur volonté de piétinement total de l’expression du peuple. Ce qu’ils ne veulent pas, c’est de la gauche au pouvoir. Ce qu’ils ne veulent pas, c’est qu’on remette en cause leurs privilèges. Plutôt Le Pen que le NFP. Et dire que ces gens-là se prétendent gardiens de la République !

La peur de notre réussite

Macron et ses alliés semblent hors sol, ne réalisant pas le revers infligé à leur politique. Ce rejet est massif contre leurs mépris, leurs injustices, leur brutalité. Ils ne réalisent pas combien la France était déjà une cocotte-minute avant les européennes et combien le déni au sommet de l’État pourrait la faire basculer dans une crise sociale de très grande ampleur, portant la critique du régime politique en vigueur.

S’il ne respecte pas le choix des urnes en écartant Lucie Castets et opte pour une formule de continuité des politiques menées, Macron déroulera le tapis rouge au RN, renforçant son rôle de passerelle qu’il a encore récemment enfourché en reprenant à l’extrême droite l’expression de « gauche immigrationniste ». Pendant ce temps, Le Pen attend sagement son tour. Ce qui rend tant de Français.es en colère, c’est que beaucoup d’entre eux ont voté pour Macron dans l’idée de faire barrage à l’extrême droite et qu’ils constatent que le Président est un allié du RN, toujours prompt à lui faciliter la tâche et à normaliser le camp Le Pen. L’inversion des normes est effrayante : s’érige un front anti-LFI pendant que les dits Républicains (LR) n’ont même pas fait barrage au RN !

S’attaquer à l’extrême droite, c’est mettre en œuvre une politique qui apaise les souffrances : le mal-travail, les inégalités et la casse des services publics sont le terreau de la désespérance qui nourrit le RN. Notre programme prend à la racine les raisons du ressentiment. C’est pourquoi nous sommes les mieux placés pour apaiser le pays, et donc pour assurer sa stabilité profonde.

Ce n’est pas en allant piocher je ne sais quelle personnalité dite de gauche pour improviser un gouvernement de prétendus raisonnables et poursuivre toujours la même politique que la France sortira de l’impasse dans laquelle elle se trouve. Nous sommes la solution. Macron aurait-il peur de notre réussite, fut-ce dans un contexte difficile faute de majorité à l’Assemblée ? Pour cela, il aurait raison. Car de grands progrès pourraient être mis en œuvre par un gouvernement Castets, surtout si la mobilisation populaire s’enclenche. Nous pourrions alors finir d’achever cet extrême centre qui gouverne depuis trop longtemps et réveiller l’espoir d’un changement plus grand encore dans les mois, années à venir.

Clémentine Autain

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