« On devrait pouvoir s’offrir quelques années de printemps » Marguerite Duras

L’essor de l’enseignement supérieur privé : histoire d’une mise à mort de nos universités

Clémentine Autain

Aujourd’hui, 1 étudiant·e sur 4 étudie dans un établissement privé. Ce taux a triplé en 25 ans. Cela devrait inquiéter quiconque a à cœur de remettre l’esprit public au centre de notre modèle social.

C’est d’abord le résultat de la politique néolibérale des gouvernements successifs, qui entérine la mise en concurrence de l’enseignement supérieur public avec le privé lucratif. La dérégulation de l’enseignement supérieur a permis à des grands groupes de s’accaparer le secteur. « Bachelor », « Mastère », les formations empruntant des intitulés réservés aux cursus universitaires pullulent. Ces intitulés entretenant volontairement la confusion entre des diplômes officiellement reconnus par l’état et des simples certifications privées, dont la qualité ne suit généralement pas.

Cette situation est également le reflet de l’échec de Parcoursup, et des situations absolument ubuesques rencontrées par des bacheliers, orientés dans des formations sans aucun rapport avec leurs vœux. Capitalisant sur le stress engendré par la plateforme, les formations privées emploient des pratiques commerciales abusives : demande d’acomptes considérables, jamais remboursés en cas de désistement, frais de scolarité exorbitants… Alors même que ces formations sont souvent de mauvaise qualité, parfois entièrement en ligne, et non reconnues par le Ministère de l’Enseignement supérieur.

Tout cela parce que nos dirigeants n’ont pas su (ou pas voulu) prendre en compte le changement démographique en cours depuis des décennies, qui aurait nécessité des investissements à la hauteur des besoins, pour que nos universités puissent accueillir le nombre d’étudiant·es en nette augmentation.

Ne nous y trompons pas. L’état inquiétant de nos universités françaises n’est pas le fruit d’une mauvaise gestion de l’argent public. C’est le résultat d’une politique austéritaire, orchestrée depuis des années. Les universités subissent les conséquences des politiques austéritaires de plein fouet : fermetures de parcours à la pelle, baisse des dotations, conditions de travail dégradées…

Chaque année, l’HCERES, une instance indépendante, est chargée d’évaluer les différents cursus universitaires, et rend un avis favorable ou défavorable sur l’avenir des formations. Ces dernières années, les évaluations « défavorables » de l’HCERES se sont multipliées. Bien que cela puisse découler de la dégradation des conditions de travail, consécutives aux baisses de financements, on peut également s’interroger sur l’impartialité de cette instance, dont les décisions sont prises pour prétexte à fermer des classes et faire des économies. Pour exemple, dans les universités déjà inspectées cette année (Paris 8 et Amiens) par l’HCERES, seulement la moitié des formations de premier cycle ont reçu un avis « favorable ».

À l’heure où nous devons former les générations futures aux défis de demain, il est plus que temps de changer de modèle en matière d’éducation, et de refuser la marchandisation de l’enseignement.

Menu